Comparution de Pierre Trudel au Comité sénatorial permanent des transports et communications

Pierre Trudel, professeur, Faculté de droit, Université de Montréal, à titre personnel: Bonjour monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité. C’est un plaisir d’être avec vous ce matin.

Le projet de loi C-11 vise à faire en sorte que l’ensemble des entreprises qui se livrent à des activités de diffusion ou de distribution d’émissions, notamment au moyen d’Internet, fonctionnent en harmonie avec les exigences de la politique canadienne de radiodiffusion énoncées à l’article 3 de l’actuelle Loi sur la radiodiffusion, et que le projet de loi propose de modifier de façon substantielle.

En procédant à cette mise à jour trop longtemps reportée de la Loi sur la radiodiffusion, le Parlement effectuera un rattrapage nécessaire et essentiel dans la mise en place du cadre législatif des activités de diffusion et de création audiovisuelle, de plus en plus tributaire des environnements en ligne.

Cette mise à niveau est non seulement essentielle pour assurer que notre système de communication fonctionne de manière à procurer aux Canadiens la possibilité réelle de choisir des émissions, y compris des émissions qui procèdent ou résultent de la créativité canadienne et qui reflètent la richesse et la diversité du pays et surtout l’existence des langues officielles et des langues des Premières Nations du Canada.

Depuis 1991, la Loi sur la radiodiffusion comporte des dispositions très claires interdisant au CRTC de prendre des décisions qui contreviennent à la liberté d’expression. C’est pour cette raison qu’il me semble que les craintes parfois exprimées à l’égard des possibles dangers pour la liberté d’expression que pourrait recéler le projet de loi C-11 me paraissent mal fondées.

De même, l’article 9(4) de la loi actuelle sur la radiodiffusion autorise déjà le CRTC à exempter de l’application de la loi les entreprises dont l’activité ne présente pas d’enjeu significatif au regard de l’application de la politique canadienne de radiodiffusion.

C’est pourquoi les multiples exclusions introduites dans le projet de loi C-11 ne font que rendre la loi inutilement complexe et ne font que compliquer inutilement un texte qui a pourtant tellement d’importance pour l’ensemble des Canadiens.

Il faut toutefois saluer l’ajout proposé des alinéas 3(1)q) et r) que propose l’article 4 du projet de loi C-11 afin de prévoir explicitement la nécessité, pour le CRTC, de promouvoir la découvrabilité des œuvres canadiennes.

Contrairement à ce qui a été dit, les algorithmes ne sont pas des objets techniques neutres. Ce sont souvent des objets qui jouent contre certains types de production, notamment contre les productions émanant des producteurs francophones ou des Premières Nations. Par contre, l’alinéa 8 de l’article 9.1 de la Loi sur la radiodiffusion, qui serait introduit par le biais du projet de loi C-11 à l’article 10, propose une exclusion malheureuse, inutile et dangereuse: le paragraphe viendrait retrancher ou interdire au CRTC d’avoir la possibilité d’exiger l’utilisation d’un algorithme informatique ou d’un code source particulier.

Cette exclusion ne repose sur aucune justification. En retranchant cette capacité du CRTC d’imposer le recours à des instruments technologiques conséquents avec les modes de fonctionnement des environnements en ligne, on vient paralyser l’action du régulateur. En somme, on lui impose de se limiter à des outils du passé pour encadrer des situations technologiques d’avenir.

Voilà mes principales remarques au sujet du projet de loi C-11. Il me fera plaisir de répondre et interagir avec les membres si vous le souhaitez. Merci, monsieur le président.

Ce contenu a été mis à jour le 09/27/2022 à 3:00 PM.